La chambre désaccordée

Simon a dix ans. Simon est un prodige du piano. Si tu veux, il te joue le prélude et la fugue n°2 en do mineur de Bach, no problemo. Simon fait l’admiration de ses parents, celle de son professeur ; en musique, Simon n’est pas un manche. Il est tellement doué que ses parents le poussent à passer le Concours National des Pianistes de Demain ; il y a quand même de grandes chances pour que Simon soit un Pianiste de Demain. Pendant qu’il travaille ses gammes, ses parents en profitent pour s’engueuler dans la cuisine. Comme deux instruments n’arrivant plus à s’accorder. Vacarme. Alors Simon joue, pour ne plus les entendre. Et s’il le gagnait, ce concours, ça changerait quelque chose ? Le réel, ça s’harmonise ? Éclatant de délicatesse et de sensibilité, le spectacle de Marc Lainé est en tout point une réussite. On entre dans sa Chambre désaccordée sur des patins de feutre, on marche à pas de loup dans la tête de Simon ; on observe, on écoute, on goûte chaque mot, chaque note. L’univers musical de la pièce, signé François Praud (déjà remarqué dans certains spectacles d’Omar Porras), n’a pas à rougir d’une parenté gracieuse avec Michel Legrand ou Alex Beaupain. Comme les enfants lisent ce qu’ils veulent dans les mots des grands, Simon enregistre les querelles de ses parents pour leur donner une forme ; il les sample, il les arrange, se les approprie. Sans ostentation, Marc Lainé nous mène sur la portée qu’il dessine, où nous regardons, oiseaux perchés, l’amour ne tenir qu’à un fil, à une note, à une touche. C’est beau comme une valse en la bémol majeur opus 69 n°1 de Chopin.

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