DÉCOUVREZ LA SAISON 14/15

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Manifeste : le Théâtre & l'Enfant

Ce que le théâtre veut dire à l’enfant, c’est : Tu n’es pas seul. Parfois, tu te sens seul, mais tu n’es pas seul. Tu n’es pas simple. Le monde non plus n’est pas simple. Il est complexe. Tu es complexe. C’est une chance, saisis-la. Évidemment, tu rencontreras parfois des problèmes. Tu en as déjà rencontré. Tu as une boîte à trésors, que tu remplis chaque jour soigneusement, et dans cette boîte, parmi les trésors, on trouve aussi des problèmes. Tout le monde a des problèmes. C’est comme ça, c’est la vie. Tu trouveras peut-être des solutions à tes problèmes. Peut-être que quelqu’un t’aidera à trouver une solution ? Sois courageux. Ne baisse pas les bras trop facilement. Tu n’es pas seul. Tu n’es pas simple. Tu es comme les casse-têtes chinois. Et puis tu as besoin de poésie pour vivre, comme on a besoin de l’eau ou du pain. Les poèmes sont tes amis. Les poèmes, qu’est-ce que c’est ? Les poèmes, ce sont des textes qui interrogent et s’interrogent, sur le monde pas simple et les gens seuls, sur les problèmes qu’on rencontre, sur les casse-têtes du cœur et nos besoins vitaux. Les poèmes, ce sont des mots qui en rencontrent d’autres, comme pour la première fois. Le poète les a placés les uns près des autres, et ce n’est pas par hasard. Sauf certains poètes qui connaissent très bien le hasard. Le poète, les poètes sont tes amis. Les poètes de théâtre, qui savent les mots, les voix, les corps, le temps et l’espace. Tu sais, dans les poèmes, il n’y a pas que les mots amour, soleil, magie, étoile et soupir. Parfois, il y a des gros mots dans les poèmes. C’est possible ? tu te demandes. Mais ça abîme le poème ! tu te dis. Les poèmes se nourrissent de tous les mots, parce qu’ils sont à l’image du monde, parce qu’ils ne craignent aucune réalité et parce que les voyous ont le droit, de temps en temps, d’aller lécher les belles vitrines des grandes avenues. C’est la vie, aussi. Les poèmes, c’est la vie aussi. La vie pas simple. La vie complexe. Comme toi. Ça ne veut pas dire que tu vas tout comprendre aux poèmes, parce que comme eux, tu n’es pas simple, tu es complexe. Parfois, les poèmes, on ne les comprend pas, pas toujours, pas toujours tout de suite. Des fois, on les regarde, on les écoute et on se dit : ça m’échappe. C’est la vie aussi, quand ça échappe. Ne baisse pas les bras trop facilement. Laisse tourner dans ta tête et dans ton cœur le petit vélo du poème et demande-toi ce que tu ressens, à l’intérieur. Sans vouloir comprendre à tout prix. En cherchant à sentir, juste sentir. Tu verras naître des mots en toi, comme les lumières qui s’allument dans la ville, le soir. Regarde-les. Écoute-les. Laisse-toi traverser. Fais-toi ton opinion. Tu es le seul à savoir ce que le poème a à te dire. Tu es le seul à savoir ce qui résonne de lui en toi. Tu comprendras bien vite que les poèmes et les enfants cultivent des mystères communs ; vous êtes faits de la même étoffe. Les poèmes, ce ne sont pas que des mots. Parfois, c’est juste un corps qui se déplace en boitant, c’est un ballon qu’on empêche de s’envoler, un clown qui rote, une baleine de papier posée sur le sol. Parfois, ce sont deux corps qui jouent à se bagarrer, pour que ça te soulage de l’envie de te bagarrer. Ça dit : la vie, c’est ce que tu vois. Et tu vois tout, avec tes yeux de lynx et de découvreur. Mais pas seulement. C’est aussi ce que tu ne vois pas. L’invisible. L’autrement. Le caché. L’en-dessous. L’au-delà. Tout ça. Et autre chose encore. Tu vois, c’est complexe. C’est une chance, saisis-la. Tu n’es pas seul. Le théâtre est là. Les mots sont là. Les autres, à côté de toi. Tu dois attendre beaucoup de la vie. Parce que tu es l’enfant le plus important du monde. Et je te regarde dans les yeux. Fabrice Melquiot Lanceur de poèmes et directeur du Théâtre Am Stram Gram

CABINET DE CURIOSITÉS OU BOUTIQUE FANTASTIQUE

La Galerie de 7 m2 recueille vos reliques! Déposez-les au Bar du Théâtre. >>FLYER Règle du jeu 1. Apportez un objet Pas banal Voire extraordinaire Un objet qui vous parle Qui vous connaît Un objet un peu secret Un truc Un machin Un bidule Qui vous tient à cœur Mais que vous seriez prêt à offrir 2. Exemples : Une voiture miniature (ou pas) Une poupée très embrassée Une photo de famille Une théière avec un loir à l’intérieur Un horodateur Le képi d’un copain gendarme Un plâtre de bras Une vieille chaussure 3. Trouvez-lui un nom Genre « La grenouille inhumaine » « Samuel le Moustachu » « Etincelle » Ou « Azertyojdojehifejoimux » Inscrivez-le sur une étiquette Attachez-lui au pied & Faites don de votre truc Machin Bidule A Am Stram Gram Et on l’exposera Durant toute la saison Dans son musée de poche (en attendant le spectacle Dans la boutique fantastique de Chine Curchod et Gaëtan Aubry, du 14 au 19 avril 2015)

ÉDITO 14/15

On va au théâtre pour se perdre, se trouver, se retrouver. S’égarer, à l’étranger comme en soi, au cœur des autres. C’est l’art du spectateur de théâtre. Qui n’attend pas la béquée prémâchée, qui vient assister le dialogue entre désir et action, qui espère l’alliance entre joie et pensée, qui accepte le temps du théâtre qui est un temps en soi, distinct des surdoses épileptiques du jeu vidéo ou du monde télévisé. Au théâtre, on est comme dans la forêt de l’Enfance, incertain de ce que l’on voit, effrayé, émerveillé, fasciné. Walter Benjamin disait que pour bien se perdre en forêt comme dans les méandres des grandes villes, il faut toute une éducation. Se perdre dans des œuvres artistiques, peut-être pour s’y reconnaître plus vaste soi-même, plus vaste que la forêt elle- même, cela s’apprend aussi. La tâche n’est pas difficile : la poésie est chez elle chez qui s’y sent chez soi. Il n’y a pas maison plus ouverte, jardin plus accueillant. Que vous soyez enfants, adolescents ou adultes, autorisez- vous à flâner avec nous, à collectionner des instants et des ailleurs, à faire jouer votre regard dans les fenêtres que nous ouvrons pour vous. Fenêtres ouvertes sur le temps, sur l’horizon, sur la haute opinion que nous avons des enfants, qui habitent le monde mieux que personne. L’Enfance est à libérer du sentimentalisme, de représentations fossilisées, de stéréotypes qui la plombent. Nous nous employons, de saison en saison, à dynamiser la création Enfance et Jeunesse- et nous insistons pour mettre une majuscule à ces termes, qui sont le cœur battant de notre projet. Créer depuis l’Enfance ? Rêver depuis la Jeunesse ? C’est sans complaisance affirmer qu’au cœur des êtres, se dressent des constructions inachevées et se creuse cette impression de n’avoir pas fini, de n’en avoir jamais fini avec le temps des premières fois, ce champ de tous les possibles. C’est rappeler, dans le sillon de Benjamin, que l’Enfance et la révolution sont des mots qui s’accordent pour scander notre besoin d’avenir, et que celui-ci s’invente au quotidien comme au présent du théâtre, en se frottant aux arts de la scène. Le Théâtre Am Stram Gram est une maison ouverte à toutes les générations. Nous mesurons chaque jour la chance qui est la nôtre de pouvoir rencontrer des publics variés, sans frontières. C’est au cœur de Genève, à deux pas du jet d’eau comme au cœur du monde que nous lançons nos lignes, soucieux de répondre aux grandes exigences enfantines. Comme le suggère le poète François Cheng : « Et si dire qui j’ai été revenait à crier cette promesse : je serai qui je serai. » L’enfant, c’est l’utopiste en nous, cet utopiste qui ne demande qu’à se lever. Nous sommes, nous étions, nous serons plus vivants que vivants. Bienvenue dans un théâtre qui espère encore, toujours, beaucoup. Fabrice Melquiot, directeur