Tu m’aimes ? Tu m’aimes comment ? Pourquoi tu m’aimes ? Jusqu’à quand ? Danse avec moi. Parle avec moi. Jouons. Arrête de répéter que tu m’aimes, ça m’agace. Pourquoi tu grognes ? Pourquoi ton poil se hérisse quand je t’embrasse ? Tu me trouves belle ? Tu me trouves bête ?
Parfois, les accidents, c’est heureux. Regarde la lumière. Traverse l’obscurité. N’aie l’air de rien. Aie l’air de tout. Sois libre de te laisser pousser des sabots à la place des pieds. J’ai été beau, j’ai été belle, j’ai été bête.
Et toi, les petits riens, tu sais quoi en faire, des petits riens ? Regarder sans les yeux, est-ce que tu as appris ? Pourquoi les contes nous recommandent-ils d’aimer ce qui n’est pas aimable ?
Belles, beaux et bêtes ; ils sont cinq, danseurs et comédiens. Entre danse et théâtre, la chorégraphe italienne Ambra Senatore et l’écrivain Fabrice Melquiot leur inventent un dialogue inédit. Le bruit que fait la danse quand elle parle. Une musique d’enfance à retrouver, pour rire, pour jouer.
Version Anglaise
Do you love me? How do you love me? Why do you love me? Until when will you love me ? Dance with me. Talk to me. Let’s play. Stop saying you love me, it drives me crazy. Why are you muttering ? Why does your hair stand on end when I hug you ? Do you think I’m beautiful ? Do you think I’m a beast ? Sometimes accidents can be happy. Look at the light. Go through the darkness. Look like nothing matters. Like everything matters. Feel free to grow hooves instead of feet. I’ve been beautiful, I’ve been handsome, I’ve been stupid. Do you know what to do with the little things ? To look without your eyes ? Have you learnt how to do that ? Why do the fairy tales tell us to love those things that aren’t loveable ? Beauties, handsome princes, beasts ; five actors and dancers. Between theatre and dance the Italian choreographer Ambra Senatore and the playwright Fabrice Melquiot invent a new dialogue. It’s the sound that dance makes when it’s talking. There’s a childhood music to be re-found here, for laughing and for playing.
NOS AMOURS BÊTES
Danse et Théâtre
dès 6 ans - durée : 55 mn
chorégraphie, mise en scène Ambra Senatore
texte, dramaturgie Fabrice Melquiot
d'après le conte islandais La Peau de la phoque
avec Aline Braz Da Silva, Antonio Buil, Arnaud Huguenin, Madeleine Piguet-Raykov, Barbara Schlittler
création musicale et sonore Nicolas Lespagnol-Rizzi
lumière Joël L’Hopitalier
costumes Cécile Choumiloff assistée de Chloé de Senarclens
Remerciements à Catherine Wenger, Alexis Faure et Cecile Germain Titüpron
Une création du Théâtre Am Stram Gram en coproduction avec le Théâtre de la Ville de Paris.
La Ville de Genève, la République et canton de Genève soutiennent le Théâtre Am Stram Gram.
QUAND LA DANSE RENCONTRE LES MOTS / Ambra Senatore
Je n’ai jamais travaillé à partir d’un texte, ni autour d’un texte. En général, je ne pars même pas d’une thématique, mais de petites suggestions, souvent d’une image en mouvement, très claire, autour de laquelle la pièce se construit sans que j’aie prévu à l’avance sa forme finale. Le parcours de création éclaire au fur et à mesure le cœur du travail.
Ce qui m’intéresse, c’est travailler au croisement de la vraie vie et de la fiction, sur les portraits des interprètes. Garder une relation concrète, directe, entre scène et spectateurs. Je veux inventer une danse qui rencontre les gens et propose une relation d’humanité, laissant place à la fragilité, au doute, au sens critique, au partage et à l’humour.
Fabrice Melquiot, en me proposant cette collaboration, a devancé un désir que j’ai depuis longtemps, celui de travailler en liaison avec un texte.
À ce stade de mon parcours créatif, j’ai grande envie de construire une dramaturgie qui ne soit pas nécessairement liée à une narration, mais qui passe par l’action et la présence des corps.
Une danse nourrie de théâtralité, d’actions et de gestes du quotidien, qui interviennent comme des coups de pinceaux ; construction et déconstruction d’images en mouvement ; distribution d’indices dont le sens se dévoile petit à petit.
Trois questions à Ambra Senatore
Que vous inspire ce thème des fiancés animaux ? Ce qui m’intéresse en tant que chorégraphe, c’est toujours de parler de l’être humain. Un thème, comme celui du fiancé animal, retient mon attention s’il me détache de mes habitudes, me rend curieuse et me permet d’explorer de nouvelles facettes de notre humanité. Au départ, quand Fabrice Melquiot m’a proposé ce thème des fiancés animaux, j’y ai d’abord pensé comme à une métaphore de l’amour, de la relation amoureuse. De multiples contes, dans tous les pays, nous parlent de cela.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur un conte venu d’Islande ? La Peau de la phoque est l’un des contes de fiancés animaux parmi les plus intéressants, car il met en scène un personnage qui passe de l’animal à l’humain et inversement, dans les deux sens donc. Au-delà de la relation amoureuse, il nous parle aussi de la transformation, de nos différents visages, nos peaux, nos facettes ; et de comment on passe de l’un à l’autre, tout le temps : il dit qu’on peut être bête et homme, mais plus encore, qu’on peut être tour à tour mille choses, mille animaux - comme ceux qui apparaîtront en fonction des spectateurs, dans le spectacle... On ne parle pas ici de se cacher derrière des masques, mais au contraire de laisser émerger, par le jeu, des éléments qui nous constituent, mais qui restent souvent cachés. Ce conte nous parle aussi du choix.
Qu’est-ce que signifie le jeu, les jeux pour vous ? Je travaille sur cette notion de jeu depuis longtemps, c’était déjà présent dans la démarche de création de mes spectacles Passo (Pas – démarche) en 2010 et pour A Posto (En place) en 2011, même si le jeu n’apparaît pas en tant que tel dans ces spectacles. Dans John, mon dernier spectacle créé en 2012, il y a une vraie présence des jeux, et dans Nos Amours bêtes c’est également le cas. Le jeu, c’est un engagement très fort dans quelque chose qui n’est pas nécessaire, qui le devient cependant pour le joueur. Cela résonne très fortement pour moi sur le plan créatif, en tant que rapport à la fiction notamment. Le récit de La Peau de la phoque comprend pour nous une vingtaine d’images évocatrices et j’ai cherché comment leur traitement scénique pouvait rencontrer le jeu. Le but du jeu est ici d’arriver à raconter ce conte !
LA PAROLE DE L’AUTEUR FABRICE MELQUIOT
Par-delà le dialogue entre danse et théâtre, rayonne dans Nos amours bêtes une puissance conciliatrice : celle du jeu, du jeu d’enfant, du jeu d’enfant détourné par les grands, ce jeu qui impose les règles à respecter, les défis à lancer, qui régit les échanges et bouscule les corps, parfois jusqu’au combat, parfois jusqu’à l’harmonie. Ici, on ne joue pour gagner qu’à condition que la victoire produise encore du jeu, nourriture frénétique de l’artiste et de l’enfant. Jouons ! Jouons ! C’est comme un appel au secours, une dernière volonté. Oui, il faut jouer ! Jouer à raconter, jouer à construire une pyramide avec quatre corps humains, jouer à faire chanter des galets, jouer à imiter les bêtes qu’on aime, jouer à s’aimer comme pour la vie entière pendant 50 minutes. Jouons ! Comme on dirait : sauvons-nous, regardons-nous, prenons l’air, cherchons des mystères, et coupons la tête à quelques questions. Jouons !